Tous en campagne – Acte 2

Il y a quelques semaines, dans la perspective d’éclairer les futurs candidats aux élections municipales de 2020, nous avons lancé sur ce site une consultation locale pour un projet de développement sur le territoire du pays de Lamastre (lire ou relire Tous en campagne).

 

Nous avons proposé d’organiser la réflexion autour de trois thèmes majeurs :

 

– 1 – comment faire réellement vivre la démocratie sur notre territoire ?

– 2 – comment lui redonner de l’attractivité économique ?

– 3 – Comment y favoriser le vivre ensemble ?

 

A ce jour, nous avons reçu plusieurs messages directement sur le site et beaucoup sur notre boîte lamastreassociationrad.fr/contact. Discrétion est mère de sûreté sans doute.

 

Nous nous sommes engagés à restituer une synthèse des propositions que vous formulez. A ce jour elles concernent surtout le point de réflexion n°1 et peuvent être résumées en quelques mots : la nécessité de réduire la concentration des pouvoirs, celle d’associer les citoyens à la prise de décision et celle de leur rendre des comptes tout au long des mandats électoraux.

 

Avant d’aller plus loin, et pour bien comprendre ce qui va suivre dans les articles à venir, il n’est peut être pas inutile d’aborder quelques aspects fondamentaux.

 

Qu’est ce que la démocratie ?

 

Le mot démocratie provient du grec démos (le peuple) et kratia (le pouvoir). C’est donc « le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple » (déclaration attribuée à Abraham LINCOLN, président des États unis de 1860 à 1865). Le peuple est souverain.

 

 

 

Quelles sont les formes de démocratie ?

 

 

 

LA DÉMOCRATIE DIRECTE

 

La démocratie est dite directe lorsque les citoyens, réunis en assemblée, exercent directement le pouvoir en prenant eux mêmes les décisions.

 

 

L’exemple fondateur est celui de la Grèce : la démocratie directe est née à Athènes au 5ème siècle avant JC.

Les citoyens, réunis en Écclésia au Pnyx (colline proche de l’Acropole, lieu qui pouvait contenir 6000 personnes) discutaient librement des questions qui engageaient l’avenir de la cité.

 

 

 

De plus, les Athéniens contrôlaient en permanence leurs élites à qui ils confiaient des charges limitées à un an seulement !

 

La démocratie directe se heurte à 2 problèmes :

  • Un premier est d’ordre matériel : dans une société aux moyens techniques limités, l’exercice du pouvoir ne peut pas être assumé par tout le monde. Les citoyens doivent élire des représentants pour exercer ce pouvoir en leur nom et à leur place.

 

  • Un deuxième est d’ordre idéologique : de tous temps, la prétendue immaturité du peuple à se gérer lui même a été mise en avant par les élites, les experts ou les «sachants».

« Comme la plupart des citoyens qui ont assez de suffisance pour élire, n’en ont pas assez pour être élus ; de même le peuple, qui a assez de capacité pour se rendre compte de la gestion des autres, n’est pas propre à gérer lui-même » (Montesquieu, dans l’Esprit des lois).

 

LA DÉMOCRATIE REPRÉSENTATIVE

 

La démocratie est dite représentative lorsque les citoyens élisent des représentants pour exercer le pouvoir en leur nom et à leur place. Le peuple dispose toujours de sa souveraineté, mais ce sont ses représentants qui ont la légitimité pour gouverner. Est légitime à gouverner celui qui a reçu le droit de le faire.

Toute forme de démocratie représentative est largement imparfaite.

 

  1. Cette imperfection tient d’abord à l’interprétation que les représentants du peuple se font du contenu de la délégation qui leur a été accordée.

 

Le pouvoir désigne ceux qui « peuvent », l’autorité désigne ceux qui ont été « autorisés ». Ainsi, les représentants désignés par le peuple, de la commune à l’État, n’ont de pouvoir que parce qu’ils ont été autorisés par le peuple souverain à lui rendre ce service. Nul représentant ne peut se déclarer « être le pouvoir ».

 

Dans le Contrat social, Jean Jacques Rousseau écrit :

« Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires ; ils ne peuvent rien conclure définitivement ».

 

De son côté, dans l’Esprit des lois, Montesquieu affirme :

« C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser »… » le pouvoir arrête le pouvoir « .

 

Plus près de nous, Winston Churchill dit à la Chambre des Communes, le 11 novembre 1947 :

«La démocratie n’est pas un lieu où on obtient un mandat déterminé sur des promesses, puis où on en fait ce qu’on veut… il devrait y avoir une relation constante entre  les dirigeants et le peuple… Démocratie ne signifie pas : nous avons notre majorité, peu importe… nous avons notre bail pour cinq ans ».

 

Or, quand la France révolutionnaire a opté au XVIIIème siècle pour une démocratie représentative, elle s’est désignée des représentants qui, très vite, se sont déclarés être le pouvoir.

 

  1. Cette imperfection tient ensuite à des dérives institutionnelles, sociétales et comportementales.

Le choix d’un mode de scrutin majoritaire poussé jusqu’à la caricature de démocratie conduit à la constitution d’assemblées non représentatives de la population qui les ont élues.

On le voit bien dans les conseils municipaux : le scrutin majoritaire de liste avec bonus accordé à l’équipe gagnante a conduit à l’émergence de majorités « outrancières » et d’oppositions symboliques et brimées.

 

 

L’instauration d’une dose maximum de proportionnalité fait partie des revendications actuelles.

 

Les habitudes de vote ont conduit à ce paradoxe : le suffrage amène au pouvoir uniquement les élites auto proclamées. On ne vote pas pour un candidat qui est proche de soi mais pour un candidat dont on croit qu’il sera le plus à même d’exercer le pouvoir. Ainsi les ouvriers et les employés qui représentent la moitié du corps électoral n’ont que 5% des députés.

 

 

L’absence de caractère impératif du mandat électoral n’oblige pas les élus à obtenir les résultats qu’ils ont promis et à rendre des comptes.

 

 

Le mandat qu’ils ont sollicité de leurs électeurs n’est que représentatif ou pour faire simple « les promesses n’engagent que ceux qui y croient ».

 

Enfin, les élus, devenus professionnels de la politique, se soucient plus de leur image personnelle, de la protection des lobbies et de leur réélection que du service de l’intérêt général. Une limitation drastique du cumul des mandats et de leur renouvellement permettrait d’éviter l’apparition de conflits d’intérêts et de pratiques « nauséabondes ». C’est une autre des revendications actuelles exprimées et non des moindres.

 

Il résulte de tous ces défauts un désintérêt du corps électoral (la participation diminue régulièrement depuis le début de la Vème République), la non représentativité de certaines catégories socioprofessionnelles par rapport à leur poids respectif dans la société et l’absence de projet d’avenir. On le voit par exemple dans le traitement de l’urgence climatique.

 

LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE

 

 

Les imperfections de la démocratie représentative ont conduit à mettre à disposition des citoyens différents moyens pour leur permettre, à des degrés divers, d’intervenir dans le processus décisionnel.

On parle alors de démocratie «participative» ou «délibérative ».

 

 

Lire ou relire à ce sujet Saillans – laboratoire de la démocratie participative

 

La démocratie participative peut prendre plusieurs formes. Bien comprendre leur portée permet d’en mesurer les limites.

 

  • La consultation : l’exemple type est celui des enquêtes publiques organisées auprès des citoyens pour les installations classées. Les enquêtes publiques ne sont pas des débats. Ce ne sont que des consultations dont le résultat ne présente aucun caractère obligatoire pour les autorités publiques qui l’organisent. Par ex. pour la carrière de Lamastre, au cours de la consultation, le public a exprimé un rejet très largement majoritaire du projet. Le Préfet et la mairie de Lamastre n’ont pas suivi ce rejet.

 

  • La concertation, qui implique des débats, est le stade amélioré de la consultation, même si le pouvoir décisionnel reste encore et toujours entièrement dans les mains de l’autorité publique. Une de ses formes est la concertation de communication qui n’a que l’apparence de la participation. C’est le type de consultation le plus utilisé. Il s’agit pour la collectivité de montrer qu’elle associe la population. Les résultats importent peu. C’est le moyen de faire passer un message, de promouvoir une politique. La consultation de la population pour l’aménagement des places du centre ville de Lamastre y est apparentée.

 

  • La co-élaboration : cette forme de démocratie participative est souvent utilisée dans les pays nordiques. Elle prévoit par exemple de confier la gestion d’un domaine particulier à des citoyens. Elle prévoit aussi la création de conférences de citoyens ou de jurys citoyens. Un jury citoyen est un groupe de 25 personnes tirées au sort sur les listes électorales et mobilisées pendant plusieurs jours pour formuler  une série de recommandations concernant un problème de politique publique.

 

  • La pétition : il s’agit pour des citoyens de saisir des élus sur une question diverse. Cette saisine ne s’impose pas aux élus.

 

  • Le référendum national ou local : il s’agit d’un retour à une forme de démocratie directe. Il existe en fait plusieurs formes de référendums.

 

Le référendum « classique », qui est organisé à l’initiative du Président de la République, en application de l’article 11 de la Constitution et sur proposition du Gouvernement. Il peut porter sur une révision de la constitution ou un projet de loi.

 

 

 

 

Le référendum d’initiative populaire (RIC) : il permet à un certain nombre de citoyens, par un nombre de signatures fixé à l’avance, de saisir une assemblée législative ou le peuple par référendum, afin qu’il statue sur une proposition de loi.

 

 

Le RIC était pratiqué par plus de 40 pays dans le monde en 2009 (dont la plupart des états américains et tous les länder allemands). Ce n’est pas une « lubie » née du mouvement des gilets jaunes.

 

 

Le référendum révocatoire contre un élu : pratiqué dans certains états américains, ce référendum permet au peuple de demander la révocation d’un élu. En 2001, 52 conseils municipaux aux Etats Unis ont été ainsi révoqués.

 

En 2006, Ségolène Royal avait émis l’idée selon laquelle il conviendrai de faire en sorte que les élus rendent compte à intervalles réguliers à des jurys citoyens tirés au sort, du résultat de leur action.

 

L’évolution vers plus de démocratie participative dépend essentiellement du niveau d’éducation et/ou d’information des citoyens.

Ce droit à l’information est inscrit dans le préambule de la déclaration universelle des droits de l’Homme signée à Paris le 10 décembre 1948 par 58 états. Cette information doit être honnête, lisible, compréhensible, et complète. Elle ne doit pas servir à maintenir le contrôle du pouvoir sur les citoyens. Le droit Français reconnait aussi à tout citoyen un droit d’accès à la plupart des documents administratifs.

 

L’information est pouvoir. Elle permet de lutter efficacement contre la concentration des pouvoirs et la corruption en politique.

 

L’Internet, accessible au plus grand nombre, permet même d’envisager à court terme un exercice direct de la démocratie par ex. sous la forme d’e-assemblées participatives avec le risque cependant de voir ce nouveau moyen contrôlé par les lobbys.

 

 

 

Les freins à l’évolution de la démocratie participative locale résultent dans la plupart des cas du comportement des élus qui agissent habilement de manière à la réduire à une simple consultation pour tester les résistances à tel ou tel projet et conserver leur pouvoir de décision.

 

 

 

Par exemple, la consultation organisée en ce moment par la mairie de Lamastre sur la perception des conditions de sécurité en ville est aussi un moyen pour elle de tester le degré d’opposition des administrés à l’installation des caméras de surveillance.

 

Pour éviter cette dérive, il faudrait confier la gestion des instruments de participation à un collège formé de personnalités non élues.

 

Autre paradoxe, il faut enfin ajouter que les 2 étapes de la décentralisation et les modifications récentes du mode de scrutin ont accru les pouvoirs de décision des élus locaux majoritaires et leur emprise sur l’espace public local.

 

Conclusions.

 

Plusieurs raisons plaident pour une participation beaucoup plus active du citoyen à la prise de décision :

  • Son émancipation.
  • Son souhait d’être acteur de son avenir et de celui de la collectivité à laquelle il appartient.
  • Sa défiance croissante à l’égard de l’exercice institutionnel de la politique et d’une caste éloignée des réalités du terrain quand elle n’est pas tout simplement corrompue.
  • Le rejet du fait majoritaire qui conduit inévitablement à une caricature de démocratie.
  • Les évolutions technologiques qui permettent déjà une implication rapide et massive, recréant ainsi les conditions de la démocratie directe des origines.

 

Dans le prochain article et à la « lumière » de ce qui précède, nous présenterons les idées que vous avez exprimées sur ce sujet ô combien important du bon exercice de la démocratie à Lamastre.

 

RAD

1 commentaire sur Tous en campagne – Acte 2

  1. Rappel fort pertinent sur les outils donnant accès à la démocratie sous toutes ses formes. Il y manque me semble-t-il les fameux contre pouvoir limitant les éternelles dérives de nos politiques : les statuts, la durée , le nombre des mandats……… et surtout les contrôles et exigences de résultats. Difficile à faire passer !
    Un autre point sans doute le plus important, le comportement du  » peuple ». A ce sujet il faut impérativement lire La Servitude Volontaire de E. la Boétie 1575 !. Devenu depuis des années un livre de chevet, il nous donne quelques pistes de réflexion toujours très actuelles :
    -l’autorité et le pouvoir de nuire du tyran ne tiennent qu’a ceux qu’on lui donne.
    -ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux.
    -Le théâtre, les jeux,les spectacles, tableaux et drogues de toutes sortes ne sont que les appâts et le prix de la servitude ravie, mais aussi les outils de la tyrannie.
    Les courtisans surgissent de tous bords affamés de pouvoir et de richesse, le « peuple » regarde et grogne et se soumet !
    C’est donc à chacun de se positionner sur son adhésion à ce mode de fonctionnement de notre société ou il porte une grande part de responsabilité .

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