« Aloïs » prisonnier de guerre à Nozières – courrier d’un lecteur

 

Entre 1945 et 1948, près d’un million de prisonniers de guerre allemands ont été détenus en France. Par leur travail forcé, ils ont contribué à la reconstruction de l’économie nationale.

 

 

 

 

Le gouvernement français incitait à les employer (ci-contre une brochure officielle).

 

Ils seront principalement affectés à des secteurs jugés prioritaires: agriculture et industrie minière.

 

Exception faite de ceux condamnés pour délits de droit commun, l’ensemble de ces prisonniers sera libéré au plus tard fin 1948.

30 000 feront le choix de rester en France.

 

 

 

 

Un lecteur nous conte l’histoire de l’un d’entre eux: Aloïs Bartelmess

 

« Dès la fin de la deuxième guerre mondiale, en 1945, à la demande d’accueil du maire de Nozières, deux prisonniers arrivent chez Joseph Fromentoux à Lagagère, un chez Junique au Chambon et un autre chez Léon Monchal à Liobard.

 

 

 

 

 

Léon Monchal, mon père, avait demandé un prisonnier qui ait des connaissances en menuiserie et ce fut le cas.

 

 

 

 

 

 

Aloïs Bartelmess avait vingt trois ans. Il était coléreux, violent mais travailleur et ne connaissait que quelques mots de français. Il avait été enrôlé dans l’armée à l’âge de quinze ans et n’avait pas revu sa famille depuis sept années. Il avait trois soeurs.

 

A son arrivée, il était vêtu d’une capote avec inscrites dans le dos deux lettres énormes: PG (prisonnier de guerre). Ma mère s’était empressée de les faire disparaitre pour éviter qu’il soit repéré et victime de vengeances de la part des prisonniers français qui avaient été maltraités en Allemagne.

 

Aloïs n’est pas parvenu à parler correctement le français, dans son environnement le patois était la langue majoritaire et c’était le curé Pradon de Molière qui faisait les traductions quand c’était nécessaire.

Il a essayé de faire la cour à des filles de Molière mais elles en avaient peur et il n’y avait pas qu’elles qui en avaient peur … Il n’avait pas d’autre formation que la formation militaire.

 

Dans une bagarre à la kermesse de Molière, poursuivi par des jeunes saouls et porteurs de fusils, il ne devra son salut qu’à ses jambes et au fait que le père Monchal le cache et calme ses poursuivants.

 

La population locale qui se souvenait des victimes des deux dernières guerres vouait une certaine haine des « boches ».

 

Entre deux et trois ans après son arrivée, notre prisonnier reçoit une nouvelle affectation dans une ferme à Mauves. Tout heureux, il exige son pécule et une indemnité et s’en va.

Mais deux mois plus tard, « Patron viens chercher » suivi de deux autres lettres et toujours « Patron viens chercher » et mon père le fait revenir par charité car il avait appris qu’il dormait dans un hangar et n’avait rien à manger.

 

 

 

C’est vrai que mes parents le considéraient comme faisant partie de la maison et comme un homme qui n’était pas responsable de son état de prisonnier.

 

 

Aloïs aimait Hitler. « Hitler bon » nous disait-il. Hitler avait fait relever la tête à une Allemagne humiliée et affamée par l’armistice de 1918 , ce qui n’était pas enseigné aux français.-

 

 

 

 

 

L’allemand et Gustou, un voisin ancien prisonnier de guerre en Allemagne, se haïssaient.

Un jour mon père avait trouvé Gustou déposé sur un établi , Aloïs le menaçant de lui enfoncer un ciseau à bois dans le ventre.

 

 

 

(Auguste Vallon dit Gustou)

 

 

 

 

 

Il avait aussi une dent contre ma soeur Simone. Elle n’a jamais su pourquoi et mes parents ont du faire en sorte qu’ils ne se retrouvent jamais seuls tous les deux.

Un jour qu’il lui jetait des prunes pourries, elle le traite de « cayou », injure suprême pour un allemand et si ma tante n’avait pas été là il l’aurait tuée.

 

Il est finalement rentré chez lui, quelques lettres ont suivi et puis plus de nouvelles.

 

Ces quelques lignes sont tirées des mémoires de Simone Monchal. Personnellement je n’avais que quatre ou cinq ans quand il est parti et n’en ai que quelques vagues souvenirs.

 

Ma famille a vécu sur Nozières jusqu’en 1948 puis a migré sur Labatie d’Andaure, elle s’est installé à La Grangeone – il n’y eut que le chemin à traverser pour changer de commune. »

 

Jean Monchal

 

 

En dépit de l’apport économique du travail de ces hommes et de son possible impact culturel (durant quatre années allemands et français eurent à se côtoyer, notamment dans les campagnes), l’épisode de la détention de ces prisonniers semble avoir été oublié des mémoires collectives des deux pays et les historiens se sont désintéressés de l’évènement.

 

 

1 commentaire sur « Aloïs » prisonnier de guerre à Nozières – courrier d’un lecteur

  1. Selon d’anciens noziérois, l’immeuble Desbos qui était parait-il destiné à devenir hôtel et qui est resté longtemps inachevé avant d’être transformé en logements, a été en grande partie bâti par des prisonniers allemands qui sont restés quelque temps à Nozières

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