En ce 11 novembre 2021, l’énigme du « soldat inconnu vivant »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le retour d’un soldat sans bagage

 

Le 1er février 1918 à la gare de Brotteaux-Lyon, on retrouve après le passage d’un convoi de prisonniers invalides venu d’Allemagne, un soldat sans bagage qui erre sur le quai.

L’homme n’a sur lui ni papiers ni plaque militaire. Il est incapable de décliner son identité et de dire d’où il vient… Qui est-il ?

La presse se fait écho du fait divers. On le surnomme alors le « soldat inconnu vivant ».

L’égaré va être placé d’asiles en asiles pour finalement rejoindre l’hôpital psychiatrique de Rodez dans lequel il est interné sous le nom d’Anthelme Mangin, patronyme recomposé d’après ses balbutiements. Il y restera plus de seize ans et n’est pas le seul poilu à demeurer sans identité.

La presse diffuse des photos de ces hommes sans famille.

 

L’orphelin aux mille familles

 

 

 

 

 

En 1922,  le ministère des Pensions se met en quête de retrouver sa famille.

Son portrait paraît dans les journaux, des affiches sont placardées dans toutes les mairies de France : l’appel est lancé.

 

 

 

 

 

 

 

 

Des centaines de familles répondent. On le reconnaît comme un mari, un frère ou un fils parti aux combats et dont la mort n’a jamais pu être confirmée.

Anthelme Mangin incarne le « porté disparu en guerre » d’endeuillés traumatisés par les pertes causées par la Grande Guerre. Certaines familles iront jusqu’à engager des procès pour faire admettre qu’il s’agit bien de leur « disparu ».

 

Après des années d’expertises, la justice finit par se prononcer sur son identité : Anthelme Mangin est Octave Monjoin.

En 1934, on l’envoie à Saint-Maur, ville de résidence de sa famille supposée. Il retrouve seul le chemin de la maison paternelle, s’étonne de ne plus voir le clocher au-dessus de l’église du village, abattu par la foudre pendant son absence.

En devenant officiellement Octave Monjoin en 1938, le soldat inconnu devient orphelin : son père décède et son frère meurt accidentellement.

Octave Monjoin redevient un inconnu et meurt dans l’oubli en 1942 dans une chambre de l’asile parisien de Sainte-Anne.

 

Le « soldat inconnu vivant » se verra offrir une sépulture six ans après sa mort. En 1948, un riche ancien combattant de la Grande Guerre fait exhumer sa dépouille de la fosse commune, il repose définitivement au cimetière de Saint-Maur, inhumé sous le nom d’Octave Monjoin.

 

Après la Grande Guerre, une France « malade du deuil »

 

Au-delà du récit de ce destin pathétique, on trouve là une illustration de la « maladie du deuil » qui s’empare de la société française de l’entre-deux-guerres.

De nombreuses familles s’enferment dans le déni de la mort des leurs. Mangin incarne la figure du « survivant », nourrissant ainsi l’espoir du retour du soldat.

 

Cette histoire n’est pas un simple fait divers. De 1914 à 1918, plus de 250 000 soldats n’ont laissé d’eux qu’un avis de disparition, plongeant les familles dans l’attente, avec un deuil rendu impossible à faire en l’absence du corps du défunt ou, au moins, de la certitude de sa mort.

 

Les mutilés du cerveau

Le cas Mangin révèle aussi la découverte des troubles psychotraumatiques causés par la guerre. Il y a les « gueules cassées », mais aussi les « mutilés du cerveau », des survivants aux blessures invisibles, des pathologies qui sont à l’époque encore mal comprises. On parle de « psychose des barbelés« .

 

Après avoir nourri la presse et secoué l’opinion, l’histoire du « soldat inconnu vivant » inspirera  des romanciers, tel Jean Anouilh dans Le Voyageur sans bagage.

Rappelons que la 1ère guerre mondiale a causé environ 18,6 millions de morts (9,7 millions de militaires et 8,9 millions de civils). 21 millions seront blessés dont un grand nombre profondément mutilé.

Pendant 4 ans, un déluge de fer et de feu s’abattit sur l’Europe, une partie de l’Asie et de l’Afrique.

 

Lire aussi 11 novembre – armistice de 1918

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